Débarqué de nulle part, Vîrus risque bien de se propager à grande vitesse. En effet, le rappeur haut-normand fait une entrée remarqué et remarquable dans le paysage rapologique hexagonal avec "15 Aout", son 1er EP, disponible gratuitement en téléchargement. C’est l’atmosphère du projet qui marque l’auditeur : mi-désabusé mi-fataliste, Vîrus imprime à ses propos une consistance et une profondeur évidente. On ne ressortira pas indemne de l’écoute du 1er acte de sa trilogie calendaire. 15 aout, une date symbole : celle du tourisme de masse où le troupeau de mouton plébéien va s’entasser sur les plages méditerranéennes après s’être tapé des heures d’embouteillages dans une voiture surchauffée. A moins que notre MC ait plutôt choisi cette date en symbole de la solitude qui marque ceux qui justement ne partent pas et se retrouvent fort dépourvus quand la mi-aout fut venu. La noirceur de son univers contraste admirablement avec le bleu azur du ciel aoutien. La plume de Vîrus explore les tréfonds d’une âme perturbé, solitaire. Elle ne fait que mettre en valeur les tares d’une société qui agit sur le mental de chacun de ses sujets : formatage de la pensée, consumérisme à outrance, érotisation de tout et rien, obligation de performance, règne de l’apparence.
Et pour ne rien gâcher, les textes sont particulièrement soignés, pesés et soupesés à chaque phase, les jeux de mots fins et omniprésents. Des exemples ?
"Quand j’irai bien, restera à s’occuper du voisin / Mon cercueil ne fera que retourner dans un vagin / Chérie ! Je cherchais plus qu’un parking sous tes reins / Cousin ! C’est pas en niquant ta main que tu feras des gamins" sur le dérangeant "Saupoudré de vengeance".
"Maintenant t’es là, décapité, sapé comme un pouilleux / Ta catin t’a quitté, t’as qu’à t’inquiéter pour main-de" sur "C’est dimanche il pleut" une bien belle chanson d’amour.
"Pas de vie privée, pas de vie tout court / Pas d’avis, si ce n’est celui des gens qui t’entourent / Moi, j’suis une balle, j’ferai pas demi-tour / Soit j’me tire, soit j’me loge au beau milieu d’un discours" sur l’ode à la joie "#31#".
Bien sur, le flow et le style à part, rendra pas mal de personnes admiratrice de rap plus "traditionnel" totalement indifférent. Mais passer sciemment à coté de ces 4 titres gratuits serait une grave erreur. Dépressif s’abstenir.