Vous l’avez peut-être constaté en parcourant les chroniques de ces EP précédents "Immersion" et "Thermocline" : Scylla est assez apprécié de par chez nous.
L’attente a été grande, mais ça y’est, son album est enfin dans les bacs. Et il répond au doux nom d’ "Abysses", tout un programme... Rien de bien surprenant nous direz-vous quand on connait la propension du Bruxellois à explorer les entrailles de l’être dans toute sa profondeur et sa noirceur.
Le MC d’outre-Quiévrain nous livre un premier album très personnel où il s’attaque à de nombreux sujets ressentis comme des véritables souffrances personnelles. Son passé, sa vie et ces vicissitudes ; le monde actuel et sa folie, entre guerre et capitalisme effréné ; la science qui ne laisse pas de place à la foi : tout - et plus encore - passe à la sinistre moulinette de notre voisin Belge.
Il se met à nu jusqu’aux viscères et dévoile en tout sincérité et modestie ("c’est une insulte que l’on me nomme n°1") ses doutes et sa fragilité. Ou quand le rap ne devient qu’un exutoire, qu’un moyen d’exorciser ses démons.
Soucieux de ne pas dire n’importe quoi comme à l’accoutumé, Scylla alias "le visage d’ange à la voix d’ogre" nous propose son flow toujours aussi puissant, le tout sur des sons impeccables et en adéquation avec l’atmosphère globale.
Du côté des points négatifs comme on le craignait un peu, cet album est sans surprise, S.C.Y ne sortant pas des funestes sentiers qu’il a lui-même battus.
Une ou deux chansons plus "colorée" contrastant avec la noirceur générale, aurait rehaussé la puissance des autres morceaux et brisé la monotonie, la monochromie. Alors bien sûr, on ne va pas demander au gars d’Opak de se fourvoyer en faisant de la samba, mais il nous a prouvé par le passé qu’il pouvait aussi exceller sur des thèmes plus légers (cf. "Petit Papa Noël").
Ainsi, les featurings apportent un vrai plus, une vraie diversité, même s’ils se mettent au diapason de l’atmosphère de l’album. Saké toujours aussi bon sur "La Sagesse D’un Fou", R.E.D.K. et Tunisiano sur "Coupable" et Furax sur "Erreurs Génétiques" sont tous au niveau et font honneur à leur hôte.
Mention spécial à ce dernier, le Toulousain formant avec Scylla un duo aux automatismes évidents, à la Dwight Yorke/Andy Cole.
Toujours est-il que la cohérence générale de l’œuvre (le terme n’est ici pas galvaudé) et sa qualité profonde fait d’ "Abysses" un album artistiquement abouti, à écouter sans modération, sauf pour les dépressifs qui pourraient passer à l’acte après l’écoute de ce sombre bijou.