Youssoupha par-ci, Youssoupha par-là. Des Inrockuptibles à Fun Radio en passant par M6 ou Ruquier, cela faisait bien longtemps qu’un rappeur n’avait pas eu le droit à une couverture médiatique aussi importante que celle réservée à l’autoproclamé Lyriciste Bantou. Ce qui, avouons-le, est très rarement bon signe pour notre musique de prédilection. En effet, se remémorer la dernière fois où un artiste hip-hop a été médiatisé sans dire de la merde au micro revient à parler d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre. Donc l’addition de ce tapage médiatique et de la présence de Corneille sur le tracklisting n’augurait rien de bon. Et cela même si l’ambianceur de Cergy a prouvé ses qualités dans le passé, les MCs talentueux ayant vendu leur âme au diable pour un moment de gloire étant légion.
Mais passé ces aprioris et une fois finie l’écoute de ce Noir D****, on ne peut qu’applaudir devant le travail accompli. Ce qui ressort avant tout c’est la qualité des lyrics, quelque soit les thèmes traités : les relations humaines sous toutes ses formes (entre Hommes, homme/femme, père/fils), l’Afrique et la négritude ou encore la société française.
Outre la qualité de sa plume et sa maîtrise des sujets évoqués, Youssoupha se démarque par sa capacité à nous pondre des titres aux textes lourds de sens, quasiment sans refrain, où l’intensité monte crescendo. Et c’est sur ce schéma-là qu’il construit ce qui constitue pour moi les meilleurs morceaux de l’album. C’est la grande force de ce Noir Désir. Ainsi, les écoutes de tracks comme "L’amour", "Irréversible", "Noir Désir" ou "Espérance de Vie" (et ses 84 mesures, soit l’âge moyen d’espérance de vie - pour une femme - en France) sont de ces moments qui vous font aimer le rap français.
On sent qu’on a affaire ici à un mélomane éclectique avec la présence d’un morceau en mode rumba congolaise ("Les Disques De Mon Père" featuring le pater), une référence au groupe de rock Noir Désir et un hommage au rap d’avant d’Arsenik (cf. le beat un peu cramé de "Viens" façon "P.O.I.S.O.N" et la récupération récurrente de la punchline de Calbo "qui peut prétendre faire du rap sans prendre position ?"). Ce qui se traduit aussi par la variété des sons présents sur l’album.
Du côté des points négatifs, on citera le mot "Geste", martelé à longueur de chansons tel un slogan publicitaire à introduire dans la tête de l’auditeur/consommateur et les feats avec Corneille ou Indila bien formatés comme il faut.
Bref, pour une fois que les succès artistique et commercial sont en adéquation dans le monde du rap, il ne faut pas bouder notre plaisir et saluer la performance de Youssoupha et de son Noir Désir.