Après B.James et évidemment Casey, c’est maintenant au tour de Prodige de nous livrer son premier projet solo. Comme toute sortie labellisée Anfalsh, on sait à quoi s’attendre. Si les lascars revendiquent toujours leur racines antillaises, ici point de coller-serrer et autre zouk love mielleux mais plutôt de la noirceur, de la crasse et des lyrics aiguisés comme un schlass. De "Prolétaire" à "La Théorie du Complot" Prodige nous délivre 13 pistes saignantes, bien qu’inégales. En effet, on retrouve parfois des titres plus dans l’esprit freestyle et "street-tape", en contradiction avec les exigences que requiert un véritable album. Mais quand le Sarcellois donne tout ce qu’il a, ça fait mal. Ces textes vindicatifs mettent la lumière sur la face cachée de la France, pas celle des Droits de l’Homme et des Lumières (justement) mais celle du racisme, du (néo-)colonialisme et anciennement de l’esclavagisme.
Le tout sur des beats qui claquent, sales et sombres à souhait. Le double visage de Marianne n’est pas sa seule cible puisqu’il s’en prend également au rappeur vendu ("L’Artiste") ou à la jeune génération ("Génération Perdue"). Tout l’univers de Prodige pourrait se résumer à l’excellent titre "Calvaire", si symptomatique qu’il a donné son nom à l’album. Pour que l’auditeur évite de se passer direct la corde au cou, on retrouve tout de même des sons plus légers, pas forcément les meilleurs, comme "Angélique et Bernard", lointain écho au "Brigitte Femme de Flic" dont a sûrement était nourri le rappeur du 95200 dès son plus jeune âge. Autre réjouissance, son flow posé et maîtrisé, qui ne donne que plus de relief à ses propos. Contrairement à B.James par exemple, dont le flow animal vampirise quelque peu ses textes.
Bref, Prodige ne nous déçoit pas avec son "Calvaire", même si, logiquement pour une première, tout n’est pas parfait. Ne doutons pas que dans le futur les petits défauts constatés ici seront gommés et feront du MC d’Anfalsh une référence du rap "sombre", au même titre que sa consoeur Casey.