"Tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir", "Plus c’est long plus c’est bon", "Tout vient à point à qui sait attendre". Ces adages caractérisent à merveille la sortie du 1er vrai album de Nakk "Le Monde est mon Pays". Après des interminables années d’attente et des semaines à guetter la boîte aux lettres (le skeud n’est pas encore dispo dans les bacs mais uniquement par VPC ou en téléchargement légal) la gallette promise est enfin arrivée à mes oreilles encrassées. Et ce n’est pas peu dire qu’elle était attendue tant le talent de lyriciste de Mendosa est grand et tant sa sortie a été maintes et maintes fois décalée, ajournée, reportée, repoussée sine die.
Hormis la fuite des auditeurs impatients, les reports incessants de la sortie de l’album comporte aussi des inconvénients purement artistiques. Notamment les chansons parues avant la sortie que se soit par fuite sur Internet ("On s’en sortira") ou dévoilées par Nakk lui-même ("Homme à part", "Respire") ainsi que le léger manque de cohésion entre certains titres créés avec une certaine distance dans le temps.
Mais venons-en au fait et explorons "Le Monde est mon Pays". L’Intro percutante et truffée de punchlines affiche la couleur dès le départ. Pas de surprise pour ceux qui suivent le parcours du rappeur depuis Soldafada. Plus surprenant est le coté intimiste du skeud. En effet, Nakk déballe devant nous les événements familiaux, heureux comme tragique, qui ont marqué son existence. Tout y passe, du décès de son père et de sa sœur ("Je ne cicatrise pas") à la poignante déclaration d’amour à sa femme et surtout son fils ("Mon fils ce héros"). Comme il le dit lui-même : "sur l’instru j’suis comme un braqueur foutu : je me livre", avec pour effet pas mal d’émotions partagées avec les auditeurs qui découvriront véritablement Narcisse Kamga. La paternité et la maturité qui va avec transpire d’ailleurs dans les lyrics de celui qui "préfère être un meilleur père qu’un meilleur rappeur".
On retrouve aussi bien sur des morceaux sombres et percutants sous forme de constat sans concession sur la société, le monde actuel et plus particulièrement la communauté noire africaine. "Mon continent s’en sort mais doucement, l’Afrique est un enfant, l’Occident lui fait des attouchements", "tu veux que les jeunes noires votent mets les urnes au Duplex" : tout le monde en prend pour son grade sous la plume du Franco-Camerounais. Dans la même veine, le Mc balbynien profite de 2 titres conceptuels pour rentrer dans la peau d’hommes n’ayant plus rien à perdre et qui livrent leurs souffrances et espoirs déchus, soit un preneur d’otage ("Nakk Q") et un prisonnier ("Comme 1 poisson"). Le magnifique "Mon ex" raconte lui l’histoire d’amour et le divorce consommé entre son auteur et la rue, romance paradoxale et ambigüe faite de reconnaissance et de dégout, de moments inoubliables ou plus souvent cauchemardesques. L’excellent "Chant Lexical" et son remix sont du même acabit.
Pour décompresser, il y a la traditionnelle histoire sur les soirées et les femmes, "Surnakkurel" épisode 4. On retrouve également des tracks aux refrains gospel ("On s’ne sortira") ou r’n’b ("Change un peu"). Cet éclectisme tant au niveau de la musique que des thèmes ou des flows (du classique au pure cain-ri cf. "P.I.B.") peut être salué ou critiqué selon les sensibilités. Mais force est de constater que la grande force de Tonton Mendosa est de garder un fond omniprésent quelque soit la forme. Le vrai bémol à mon gout sont les featurings présents, loin de soutenir la comparaison avec Nakk.
Bref, si certains qui n’attendaient pas moins que le meilleur album de rap fr peuvent paraitre légèrement déçu, une écoute multiple et répétée du "Monde est mon pays" permettra de découvrir les nombreuses punchlines et surtout de décrypter leur message de fond. Vivement le prochain album du roi des lyricistes ; dans moins de 10 ans, chiche ?