Peut-on encore parler de Rap lorsqu’on écoute cet album de L’Atelier, "Buffet des anciens élèves" ? Non, mais de Hip-hop oui. Tout d’abord il est bon de dire que L’Atelier est un collectif qui réuni ici pour la première fois les membres de la mouvance "alternative" du rap en France. Tekilatex (TTC), Cyanure (ATK), Fuzati (Klub des Loosers), James Delleck et Paraone aux platines répondent donc présent sur ce projet, l’un des plus créatifs du HH français jusqu’à présent. Issu d’horizons et de groupes divers, tous ces Mc’s ont la même passion pour les textes originaux, riches et explosant les clichés traditionnels. Et c’est peut-être aussi la première fois que le DJ, en l’occurrence Paraone, véritable concepteur musicale, occupe une place au moins aussi importante que celle des rappeurs. Que ce soit sur les différents morceaux ou sur les (trop ?) nombreuses interludes, il déploie comme nul autre son univers galactique, mélange de rythme électronique et de beats hip-hop, qui ne caractérise que lui. Le pouvoir de création artistique de tous ces zigotos est très dense et leur imagination les fait bifurquer dans tous les sens. Si Cyanure semble quelque peu effacé - malgré quelques phases mémorables comme sur "La Ville en Juin" : "parlant à son portable, donc doublement absente" - et Tekilatex un peu décevant et brouillon - mais ô combien marrant sur "Le Hip-hop est mon pote" - Fuzati est égale à lui même, complètement psychotique, nous déballant sa vision de la vie et de ses déboires en tout genre (suicides, solitude, sexe, etc...), fouillant dans les méandres du cerveau d’une personne en état de malaise envers notre société ou se transformant brusquement en poète romantique. La meilleure surprise vient de James Delleck, pourtant pas le plus gros potentiel de la bande, mais tous les texte qu’ils posent font mouches, son intervention fracassante sur "Ne soit pas triste" étant sûrement l’une des illustrations les plus probantes. Tout ce beau monde donne donc des chansons uniques en leur genre, parfois un peu bordélique, mais toujours marrantes. En effet, notre troupe de gais lurons a le chic pour réussir à capter des anecdotes croustillantes dont on a tous été témoins un jour. La description réaliste et finement comique de "La fête de la musique" abondant dans ce sens. Bien que les thèmes soient souvent délirant, on ne compte plus les piques acérés que lancent les mc’s sur la société de consommation et ou les wacks ayant prostitué le rap.
Bref, "Buffet des anciens élèves" (le premier qui arrive à m’expliquer la justification de ce titre à l’écoute de l’album se verra remettre immédiatement un chèque en blanc) est un opus inimitable qui possède ses défauts mais qui explose les barrières du rap français. L’Atelier prouve aussi en substance que ces barrières ne sont en fait que le fruit de l’inspiration limitée de l’artiste et qu’il ne tient qu’a lui de sortir d’un carcan dans lequel il s’est lui-même engouffré.