On avait quitté Casey énervée sur son premier opus "Tragédie d’une trajectoire". Et bien le moins que l’on puisse dire c’est que la bête ne s’est pas calmée !
Si la couleur de l’album (tout en teintes sombres) est affichée dès les premières mesures, la montée en puissance est évidente, après un début plutôt ordinaire. Le titre "Regard glacé" reflète d’ailleurs bien ce constat avec un départ au diesel mais un flow avec une densité impressionnante par la suite. La noirceur (sous tous ses sens) est encore de mise sur le glacial "Créature ratée" et sa litanie de clichés pris à rebrousse-poil sur cette erreur de la Nature que serait l’Homme Noir. Quand "espèce peu avancée sans histoire écrite, ni récits, donc sans passé" de Casey fait écho à "l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire" du discours de Dakar de Sarkozy.
Vous l’aurez compris, dans ce "Libérez la bête", on retrouve donc les habituels thèmes de prédilection de la MC (ça se dit ça ?) de Blanc-Mesnil, avec naturellement en tête, la retranscription de la traite négrière et ses traumas encore présent chez les descendants d’esclave et dans la société actuelle. "Sac de sucre" par exemple nous plonge dans la psyché d’une esclave d’une plantation. Saisissant. Autre sujet "caseyen" récurrent et directement lié au premier : les Antilles. Mais plutôt l’envers du décor, loin des images d’Épinal associées à l’Outre-mer : zouk, cocotier, allégresse et banania. La phase de B.James d’Anfalsh sur le fracassant "Primates des Caraïbes" résumant à elle seul le concept : "T’as kiffé collé-serré ? C’est l’remix !". Sans parler du feu d’artifice final (qui donne son nom à l’album) sous forme d’allégorie digne de celle d’un Zola dans Germinal. Casey elle aussi Accuse et pointe du doigt la face cachée de l’Histoire de notre beau pays.
Un autre cheval de bataille de Casey, plus moderne, est la remise en place des wacks. Certains devraient donc se sentir visés et faire dans leur froc à l’écoute de "A la gloire de mon glaire" ou "Apprends à t’taire". Et non sans humour, Casey maniant aussi bien cette facette que la rage.
En prime, sur "Rêves illimités" elle nous livre même une inhabituelle introspection. Bref, tout passe à la moulinette de la martiniquaise. Pour le bonheur de nos oreilles. Car s’il fallait résumer cette album en une phrase, façon marketing de merde : "Casey, la finesse de l’écriture, la force du propos". Ou "quand la forme à rendez-vous avec le fond". En clair, du lourd.