Passe le temps et les MCs, même de ceux qui de disent les plus "undergrounds", baisse leur froc. Si certains, les yeux couleurs $$$, tombent immédiatement sous les sirènes de la gloire et l’argent éphémères au détriment du respect de l’art, pour la plupart, ce n’est qu’après une résistance (de façade) qu’ils succombent. Casey n’appartient à aucune de ces catégories, au contraire même, elle en est l’antithèse. Et non contente de ne pas tomber dans ce piège, elle va plus loin, combat ces pratiques et montrent du doigt les wacks tombés dans la facilité. "Tragédie d’une trajectoire" en est l’implacable et l’impeccable démonstration. Rien qu’à la pochette et au titre de l’album, on est averti. Casey ne laisse aucune place pour le léger, le superficiel, l’édulcoré et nous lâche 12 titres plus engagés les uns que les autres. Ce qui marque, dès la 1ere écoute de l’album, c’est son homogénéité, toutes les chansons étant dans le même ton, celui de l’intransigeance. Paradoxalement, c’est peut-être le principale (et quasi-unique) reproche que l’on peut faire à cet album, le fait que tout ceci sonne bien monocorde et manque de variété. Mais c’est justement parce que les autres ne font que de la variété que Casey n’a pas voulu se disperser et montrer clairement la voie à suivre, quitte à forcer le trait. "Cette belle insouciance de l’enfance [...] j’l’ai pas connue : Je suis noire, née en France et maintenu en position de faiblesse" Cette 1ere phrase de l’album, cinglante, affiche directe la teinte de l’opus. Des lyrics sombres, saignants, qui n’épargnent nullement sur ce qui est pourri dans notre beau royaume. Les sons épousent cette atmosphère et permettent de se fondre un peu plus dans l’univers de la MC de Blanc-Mesnil. Comme par exemple l’oppressant beat de l’excellent "Qui sont-ils ?". Et même quand le style est moins purement hardcore - sur "Chez moi" l’évocation de sa Martinique - le propos n’en demeure pas moins toujours aussi présent. On pourra aussi trouver un exercice de style lyricale avec "Ma plume", une narration réaliste avec "Pas à vendre", une puissante déclaration avec "Je lutte" etc.. Autres légères déceptions, le léger essoufflement de l’album vers la fin et le manque de tranchant du feat avec Ekoué pourtant habitué à l’excellence. Mais cela n’empêche guère "Tragédie d’une trajectoire" de limite devenir un classique du rap français ; en tout cas un album assez puissant pour que l’on n’évoque à un quelconque moment le fait que Casey soit une femme. Casey n’est pas une femme, elle fait du rap, point. Et du bon rap.